Experte couleur Delphine Talbot enseignante-chercheur en teinture naturelle, designer sensorielle et plasticienne

Delphine Talbot

Enseignant-chercheur en Arts & Design, Designer couleur et sensoriel, et Plasticienne

Delphine Talbot est Maître de conférences en Arts et Design à l’Institut Supérieur Couleur, Image, Design (Université de Toulouse 2) où elle enseigne des techniques textiles (teinture végétale, design matières et couleur) et des méthodologies de recherche et de création en Couleur et en Design sensoriel.

Ses domaines de recherche concernent principalement des pratiques tinctoriales mises en relation avec des territoires (travail de traduction, systèmes de notation et expérimentation). La polysensorialité des matériaux et leur potentiel interactif (environnement et humain) est investi dans le cadre de recherches collaboratives récentes, autour notamment du Color & Care (végétal colorant et soignant) et de la question du vivant dans la matière colorante, le matériau couleur (vibration, chromaticité…).

Les événements proposés par Delphine

Ateliers

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Concevoir une gamme de couleurs : penser-classer la couleur

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Teinture végétale : exploration, techniques et conception de gamme

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KatchaKatcha : performance de design culinaire

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Couleurs sensorielles : des outils concrets

Conférences

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Recherche en design couleur et développements avec des colorants naturels

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Le pastel et la teinture à Toulouse : pratiques, cultures et innovations

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De la teinture à la classification des couleurs : noms, usages et savoir-faire en France et au Japon

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Couleurs sensorielles : des outils concrets

Découvrez l’interview de Delphine et
sa vision de la couleur

L’expertise couleur
selon Delphine Talbot

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Je voudrais explorer les dimensions colorantes, soignantes, olfactives, voire gustatives des couleurs issues des plantes.

Si vous étiez une couleur ?

Je serais le rouge, par rapport à l’aspect vivant, passionné et spontané de cette couleur.

Une brève définition de la couleur selon vous ?

Je dirais plutôt une liste de mots : matière / effet / lumière / matériau / vivant / aura / vibration

Qu’est-ce qui vous a amené à la couleur ? Quel a été votre cheminement ?

Ça a commencé enfant, évidemment. Je peignais un peu. C’est surtout dans le cadre de mes études, pendant lesquelles j’ai voulu rédiger mon mémoire de maîtrise, on dirait master 1 aujourd’hui, sur la couleur rouge dans le cadre de scénographies.
Je faisais des installations rouges, j’enduisais les choses de rouge. Une immersion dans cette couleur. J’ai ensuite continué mes études sur la couleur, progressivement sur la question de la teinture végétale que j’ai découverte dans le cadre d’un stage à ôkhra, dans les carrières d’ocres de terres rouges.
J’ai par la suite vraiment ancré mes explorations sur la teinture, en allant au Japon dans le cadre de ma thèse.

Avez-vous des modèles, des Pygmalions, des sources d’inspiration particulières ?

J’ai plusieurs personnes qui m’inspirent, qui m’aident à garder un axe ou une forme d’alignement à ma passion et à mes rêves, à rester toujours concentrée sur ce qui est vraiment important pour moi, dans le cadre de mes pratiques et de mes recherches.
Il y a Dominique Cardon, spécialiste des teintures végétales, qui m’a accompagnée sur une partie de ma thèse et avec qui je travaille toujours de temps en temps. Nous suivons nos travaux.
Il y a Pierre Soulages, parce qu’il est resté toute sa carrière de peintre sur une couleur : principalement le noir. Je trouve que c’est une vraie preuve d’engagement, de noblesse de cœur.
Il y a aussi François Laplantine, dont j’ai lu presque tous les livres et dont j’aime beaucoup l’écriture, l’approche des choses. J’aime beaucoup sa manière d’appréhender sa propre discipline (l’anthropologie), de la transmettre et sa grande liberté à parler des cultures. Je transmets beaucoup ses savoirs à mes étudiants.

Dans mon entourage plus proche il y a deux personnes, deux femmes que j’admire.
Elles sont pour moi très engagées dans leur travail et arrivent à matérialiser leur passion presque au quotidien. Elles ont toutes les deux fait un choix de vie et l’incarnent complètement.
Emmanuelle Leblanc, qui est peintre, que j’ai connue pendant mes études de coloriste et Sylvie Enjalbert, qui est céramiste et a carrément quitté tout un pan de vie pour se consacrer à la terre et à la céramique. Elle s’est formée sur le tard, pour moi c’est une femme admirable, simple et très rayonnante.
Il y a aussi un professeur de teinture japonais avec qui j’ai étudié les couleurs au Japon : Jun Kataoka, une sorte de père spirituel, que j’aime beaucoup.
Ce qui m’inspire particulièrement, régulièrement, c’est le Japon. Quand je peux y aller ou quand je le regarde de loin. Sinon, c’est l’océan, la mer, la forêt, les sources d’eau chaude naturelles, la terre rouge et les îles volcaniques.
Je suis un peu longue, c’est la passion !

Quels sont vos centres d’intérêt et de recherche ?

Mes centres d’intérêt c’est la couleur d’abord, qui est au centre de beaucoup de démarches me concernant.
C’est aussi la teinture végétale, qui est ma spécialité et le domaine dans lequel je prends plaisir à découvrir toujours de nouvelles choses, à expérimenter, à explorer et aussi à rencontrer des personnes qui teignent, que ce soit des artisans ou des chercheurs qui s’intéressent à ce sujet.
C’est vraiment un milieu très très passionnant parce qu’il est totalement infini et la palette de couleurs que l’on peut obtenir avec les plantes est elle aussi infinie. Ça réveille beaucoup de plaisir, ma passion pour ce domaine ne s’arrête jamais.

Actuellement je prolonge ces connaissances là, ces expériences là, avec une formation sur l’accompagnement par les soins du corps. J’ai envie de compléter mes connaissances, notamment sur le design sensoriel, avec cette approche du corps, du toucher, des ressentis, des sensations.
Trouver non seulement les mots mais aussi les pratiques adaptées, qui viennent pour moi compléter mes connaissances de la couleur. Je voulais amener une densité matérielle à cette approche.

En quoi votre expertise ou votre approche sont-elles singulières ?

Dans le domaine de la teinture végétale ma spécialité c’est que je suis en design, donc en arts appliqués, avec une formation initiale en arts plastiques. Je n’hésite pas à expérimenter, à chercher de nouveaux matériaux, de nouveaux effets de surface, à vraiment poser la question de la matérialité de la couleur au travers des supports textiles qui peuvent être utilisés, mais aussi les cosmétiques : les baumes, les huiles, tout ce que l’on peut colorer avec des plantes.
Je cherche à explorer toutes les dimensions sensorielles des couleurs végétales et à poser la question de la vibration de ces couleurs-là, qui est assez particulière à mon sens.
Je mène des explorations pour des projets qui mettent la couleur, qu’elle soit issue de plantes ou même d’autres supports, au centre. C’est aussi l’une de mes spécificités, c’est-à-dire que je pars de la couleur pour créer quelque chose.

Quels sont les résultats ou réactions les plus satisfaisant(e)s que vous observez pour vous et vos clients lors de vos missions ?

Dans le cadre de mon enseignement auprès d’étudiants, je me sens véritablement à ma place quand je vois que je leur permets d’asseoir leur passion. C’est-à-dire que nous arrivons à formuler leur rêve, leur grand projet ou ce qui les anime profondément. D’abord il faut trouver les bons mots et ensuite, donner forme. Nous formulons les choses pour en faire un sujet de recherche.
Je les accompagne à une sorte d’accouchement vers la problématisation de leur sujet et aussi à une mise en pratique, dans le cadre de leur projet professionnel, que ce soit en design couleur ou en design sensoriel, qui sont les deux parcours que j’accompagne en recherche à la fois théorique, exploratoire et pratique. Quand les étudiants s’émerveillent devant leur propre passion et qu’ils arrivent à la rendre réelle dans la matière, je me sens effectivement à ma place.
Il m’est aussi arrivé d’enseigner auprès d’artisans et qu’ils me fassent le retour d’avoir ouvert leur esprit sur des nouvelles possibilités de pratiquer et de penser leur métier. Ce sont des métiers de spécialisation, de spécialité où on est souvent dans des gestes répétés et aguerris, affinés au fil du temps.
C’est pour moi un beau retour et un vrai trésor, de me dire que j’ai pu apporter à des artisans la possibilité de penser, de réfléchir la couleur et de l’intégrer dans leur travail avec conscience, réflexion et avec la motivation issue de leur propre désir.
Mon intention est bien que les étudiants assument leur propre manière de voir la couleur et qu’ils le disent au monde à travers leur pratique. C’est pour moi primordial.

Comment voyez-vous évoluer la place de la couleur dans les années à venir ?

Déjà la question de la couleur en la mettant au centre d’un projet de création, ça change pas mal de choses. Non seulement on a la couleur comme point d’orgue, comme point d’inspiration, mais surtout on peut la voir, la considérer comme un matériau.
La considérer aussi comme une matière qui est liée à des pratiques, à des croyances, à des usages spécifiques, ou même à des potentiels, à des qualités qui sont intrinsèques à la couleur en tant que matière ou matériau. D’un seul coup, la couleur considérée comme un matériau devient porteuse d’idées nouvelles, mais peut aussi servir à renouveler notre environnement direct. En considérant la couleur comme vivante, en considérant la qualité du vivant (qui s’adresse d’ailleurs au vivant, puisque l’humain est vivant) et en la considérant dans toute sa matérialité, on peut avoir une approche globale du design autant d’objet, d’environnement, que d’intérieur, de produit.
Penser la couleur comme étant vivante, c’est s’ouvrir à de multiples pistes de création qui viennent de la matière même, du point de départ, sans aller chercher des scénarios, coller des histoires ou des symboles, mais simplement en ayant connaissance de l’histoire propre de la couleur qui va être utilisée.

Quel projet rêvez-vous de mener ?

J’aimerais beaucoup m’associer avec des chercheurs, des designers, des personnes intéressées par la question de la plante à la fois colorante, soignante et olfactive.
J’ai commencé à faire ça avec quelques personnes. C’est le début, il y a des choses lancées à droite, à gauche et j’aimerais beaucoup que ce projet prenne une dimension plus dense, installée dans un espace dédié, pour véritablement explorer avec ces experts, toute la palette de possibilités de création et d’usage des couleurs, en les considérant dans leur polysensorialité.
Je voudrais explorer les dimensions colorantes, soignantes, olfactives, voire gustatives des couleurs issues des plantes. Cette exploration se ferait par le biais d’expérimentations, de recherches sur le terrain, de pratiques de création et surtout par l’élaboration d’un corpus qui serait issu de corps pratiques et théoriques, qu’ils soient antiques, très actuels, ou renouvelés, dans les domaines de la botanique, de la pharmacognosie, du médical, du tinctorial, de l’histoire et de l’anthropologie.
C’est ce projet que je nomme : Color and Care

Un nom de couleur que vous aimez particulièrement ?

Alors il y en a plusieurs ! Le premier qui m’est venu c’est « cuisse de nymphe émue » que j’adore, que j’ai découvert pendant mes études et je le trouve merveilleux. Par son nom même il évoque un instant, il évoque une émotion, il évoque la peau qui vient se transformer, sous les yeux ébahis de celui qui l’observe, et qui transmet par la coloration qui vient se modifier, ce qu’il se passe à l’intérieur du corps. Ce qui m’intéresse énormément.
Il y aussi coquelicot, indigo, incarnat et carmin qui sont des couleurs qui évoquent beaucoup de pratiques, beaucoup d’histoires.
Il y a aussi la poésie du coquelicot, à la fois plein de force et avec un temps court de vie, qui raconte beaucoup de choses.

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